
La perception des migrations rurales en Afrique est erronée
Invités de l’émission « Eco d’ici Eco d’ailleurs » sur RFI, Laurent Bossard, directeur du Secrétariat du CSAO, et l’économiste Jean-Marie Cour ont débattu de la question des migrations rurales en Afrique. Ils ont déploré la perception souvent erronée de ce phénomène, qui reflète la difficulté des observateurs et des acteurs du développement à changer de paradigme dans la manière d’analyser les transformations du continent. La récente poussée migratoire vers les pays du Nord alimente l’image d’une Afrique rurale en déshérence, frappée par un exode massif, alors même que la population des campagnes et la production agricole du continent ne cessent de croître. En réalité, les mouvements ruraux qui s’observent sur le continent correspondent surtout à des dynamiques de peuplement internes et régionales, qui s’organisent et redistribuent la population rurale en fonction de la localisation des marchés et des processus d’urbanisation. Ce fait sociodémographique majeur devrait inciter à ne plus différencier les politiques urbaines et rurales, et à accorder une plus grande importance aux liens villes-campagnes. Au-delà de la question centrale des infrastructures, qui ont une fonction intégratrice, l’un des domaines d’actions prioritaires est l’appui au secteur informel. Ce secteur, qui représente environ 80 % de l’emploi en Afrique, est souvent une porte d’entrée urbaine pour les jeunes ruraux, formant un espace de mobilité entre les villes et les campagnes. Par ailleurs, en servant de pont entre la production agricole et la consommation urbaine, il est au cœur de l’essor de l’économie alimentaire africaine. Il est pourtant encore négligé par les politiques publiques et l’aide au développement.